LA SORCIÈRE...

La sorcière, je ne l'ai jamais vue, mais on chuchotait sur son compte. Là était toute l'affaire. Elle existait en nous. 
Elle était forcément laide, avec un nez crochu, des yeux globuleux...
Comment aurais-je pu en avoir moins peur ? Si au moins j'avais pu ressentir un soupçon d'humanité, la connaître. Mais si elle avait montré son nez, sûrement aurais-je fui en courant, le coeur battant fort dans ma poitrine. En tout cas je pressais le pas, et il me fallait atteindre le pâté de maisons suivant pour retrouver un semblant de calme.
Personne ne traînait jamais devant l'école.
Son rideau gris volait au vent... Elle aimait les courants d'air même dans le froid coupant de l'hiver.
Elle capturait les enfants.
On la diabolisait, tout comme, étonnamment, on en justifie d'autres sous prétexte que par moment ils sont adorables, même s'ils peuvent basculer dans le côté noir.
La sorcière, archétype de la femme aux pouvoirs cachés, maléfiques... une femme seule, laide, célibataire endurcie, vieille veuve... La sorcière, ce ne sont pas tant ses pouvoirs qui terrifient notre âme, c'est sa distance, son retrait... toujours une femme sans homme et sans amour et une femme qui a quitté notre monde.
Dans Porteuse de Lumière, Maryam pose à la sorcière cette question étrange : "Vous n'avez pas peur de vivre toute seule ?"
Mais Maryam était une jeune femme pleine de courage et qui traversait les mondes.